Cette formule de Saint Cyprien de Carthage qui voyaient des chrétiens apostasier devant les persécutions, veut rappeler qu’une appartenance à l’Eglise est nécessaire pour être sauvé. Mais quelle est notre manière d’appartenir à l’Eglise ?
Saint Thomas d'Aquin envisage une appartenance spirituelle à l'Eglise par un désir surnaturel. Saint Thomas insiste sur une action directe de Dieu envers le païen. Le salut est donc possible par une grâce spéciale même si le prédicateur n'est pas présent.
H. de Lubac, en 1938, dans Catholicisme parle de « salut par l'Église ». L’Eglise est le « sacrement universel du salut » (LG 48) dit le concile Vatican II.
Pie XII va identifier " Eglise " et " corps mystique de Jésus-Christ ". On peut ainsi distinguer plusieurs degrés d’appartenance à l’Eglise. Dans l'encyclique Mystici Corporis (1943), les personnes ne partageant pas notre foi peuvent appartenir invisiblement à l'Eglise sans le savoir. S'ils sont sauvés, ils le sont donc par l'Eglise et le Christ ! Une plénitude de grâce se reçoit donc dans le corps de l'Eglise, mais Dieu peut toucher quiconque qui, par sa conduite, se rapprochera des actes du corps de l'Eglise. On peut donc parler de désir implicite animé par la charité parfaite, une foi surnaturelle !
Mais quelle valeur accordée à cette foi surnaturelle s’il n’y a pas d’enseignement, de missionnaire ? Est-ce comme saint Paul sur le chemin de Damas, une lumière surnaturelle ?
Aujourd’hui, après le concile Vatican II, on peut reconnaître différents degrés d’appartenance à l’Eglise : il y a ceux qui font partie du corps visible de l’Eglise (ceux qui confessent la foi catholique sous l’autorité du pape et des évêques et qui vivent des sacrements), ceux qui confessent cette foi au Christ en étant séparés de l’Eglise catholique (Lumen Gentium 15), et ceux dont « l’ignorance est invincible » (Lumen Gentium 16)
et qui ne connaissent pas Dieu pour qui le salut est possible. Sur ce dernier point, il y a même une progression du magistère sur Pie XI qui ajoutait une foi en un dieu rémunérateur et une observance de la Loi naturelle. Sans pour autant nier cela, le concile Vatican II va admettre qu’une foi implicite et une vie droite suffisent.
Ce que saint Thomas appelait « grandeur » (grâce d’engagement vers le bien parfait), le concile Vatican II le nomme don qui illumine tout homme. Ainsi chaque homme reçoit une grâce pour être sauvé ; il peut lui rester fidèle sans que celle-ci s’exprime clairement par une foi explicite en Dieu… s’il ne s’éloigne pas de cette grâce, il peut vivre ce mystère de salut ; nul ne sait, cela reste dans le secret de Dieu. Cette grâce qui touche les « incroyants » peut se tout de même se manifester extérieurement par des vertus (sacrifice, fidèlité dans le mariage, vie droite et honnête, aumône, découverte de la Charité…).
En conclusion, il existe des moyens ordinaires de salut tels les sacrements dispensés par l’Eglise mais tout homme qui reçoit une grâce suffisante pour être sauvé est incorporé invisiblement à l’Eglise catholique, s’il n’y met pas obstacle (Chacun est libre !). L’axiome « Hors de l’Eglise point de salut » reste bien vrai : c’est toujours par le Christ et l’Eglise que les hommes sont sauvés.
NB : cet article est certainement trop long mais se veut explicite d’une pensée difficile à rendre compte… et dont je vous laisse encore en annexe une petite réflexion.
Dans Lumen Gentium 15, le concile Vatican II reprend Pie XI, qui reconnaissait dans Rerum orientalum la part de vérité restant dans les Eglises schismatiques.
Voici le texte de Lumen Gentium 15 :
Avec le dialogue interreligieux, la problématique s'est déplacée de l'exclusivité de l'Église vers l'unicité du Christ, ce qui donnerait cette formule : « Hors du Christ, pas de salut ». Mais, précise alors B. Sesboüé, « il ne s'agirait évidemment pas de la proposer pour elle-même, au risque de la conduire aux mêmes difficultés que la formule classique parlant de l'Église. N'oublions pas cependant la formule johannique : "Hors de moi vous ne pouvez rien faire" (Jn 15, 5). Le théologien veut renoncer « à tout langage d'exclusion » et proposer « une unicité [du Christ] au bénéfice de tous » [qui est le chemin, la vérité et la vie].
"L'Eglise sait que la question morale rejoint en profondeur tout homme, implique tous les hommes, même ceux qui ne connaissent le Christ et son Evangile, ni même Dieu. Elle sait que précisément sur le chemin de la vie morale la voie du salut est ouverte à tous, comme l'a clairement rappelé le Concile Vatican II : "Ceux qui, sans qu'il y ait de leur faute, ignorent l'Evangile du Christ et son Eglise, mais cherchent pourtant Dieu d'un coeur sincère, et s'efforcent, sous l'influence de sa grâce, d'agir de façon à accomplir sa volonté telle que leur conscience la leur révèle et la leur dicte, ceux-là peuvent arriver au salut éternel." Et il ajoute : "A ceux-là mêmes qui, sans faute de leur part, ne sont pas encore parvenus à une connaissance expresse de Dieu, mais travaillent, non sans la grâce divine, à avoir une vie droite, la divine Providence ne refuse pas les secours nécessaires à leur salut. En effet, tout ce qui, chez eux, peut se trouver de bon et de vrai, l'Eglise le considère comme une préparation évangélique et comme un don de Celui qui illumine tout homme pour que, finalement, il ait la vie (Const.dogm. Lumen Gentium n.16)."
Veritatis Splendor - Jean Paul II – 1993